Vendez-moi ce stylo

Comment appliquer une technique marketing qui est le storytelling lors d’un entretien d’embauche.
« Vendez-moi ce stylo » était une question récurrente qui était posée par les recruteurs lors d’entretiens d’embauche et pour ceux qui ont reconnu la référence c’est une scène culte du film le Loup de Wall Street avec Leonardo Di Caprio. Depuis la sortie du film en 2013 cette phrase est moins à la mode lors de recrutements.

Bien sur je n’ai pas échappé à cette tradition et je vais vous raconter mon expérience. Il y a plusieurs années j’étais à la recherche d’un poste de commercial ou de vendeur et je me retrouve dans un bureau d’un magasin qui vend des cuisines, devant deux recruteurs pour un entretien afin d’être vendeur de cuisines. Un des recruteurs prend un stylo bille et me le tend :
– « Vendez-moi ce stylo »
Dans le film, Di Caprio demande à John Berthal et celui-ci lui réclame un autographe mais comme il n’a pas de stylo il lui en vend un. Ils expliquent mutuellement qu’il a créé la demande. Mon entretien s’est déroulé avant la sortie du film mais j’avais quelques notions de techniques de ventes et je connaissais l’astuce. Beaucoup de candidats auraient pris le stylo et auraient vantés ces caractéristiques : la couleur, la forme, la taille de la bille… Evidement ce n’est pas ce que les recruteurs veulent entendre, la méthode du film est celle qu’ils souhaitent. Les caractéristiques ne sont que des attributs du produit mais cela ne créé pas le besoin, il est nécessaire d’établir le lien entre besoin et usage. Je dois écrire quelque chose donc j’ai besoin d’un stylo.

Comme j’avais bien préparé mon entretien et que je m’étais informé sur le marketing, j’ai saisi le fameux stylo et j’ai commencé mon argumentaire de vente :
– « Pouvez-vous m’écrire votre adresse email ?
– Je n’ai pas de stylo…
– Je pourrai vous vendre celui-ci… mais au final n’importe quel stylo pourrait combler votre besoin, du Bic à 20 centimes comme le Mont-Blanc à 200 euros. Pour préparer l’entretien je me suis renseigné sur votre entreprise, vous vendez des cuisines à plus de 50 milles euros donc vous recherchez plus un vendeur de Mont-Blanc que de Bic. »
Je sors de mon sac un stylo à plume noir, simple, sobre et fin.
– « Je vais plutôt vous vendre ce stylo ! Est-ce-que vous êtes marié, Monsieur ?
– Je me marie dans quelques mois mais quel est le rapport ?
– Avec quel stylo vous signerez votre registre de mariage ? Quelques mois ou quelques années plus tard avec quel stylo signerez-vous l’acte de naissance de vos enfants, votre prochaine promotion, le chèque pour l’achat de votre future voiture, le compromis de vente de votre prochaine maison ? Ce stylo sera présent pour chacun des évènements majeurs de votre vie. Il sera le témoin de votre réussite. Il sera votre porte bonheur. Et dans de nombreuses années, lorsque votre fils ou votre fille passera son BAC, vous lui transmettrez ce stylo en lui rappelant à quel point il est important pour vous et qu’avec lui il ne pourra que réussir. Et à son tour ce stylo signera toutes les étapes de sa vie et à chaque fois qu’il sortira ce stylo il ou elle aura une pensée tendre et émue pour son papa. »
Un petit silence un peu gênant s’est installé.
– « Je vous achète le stylo.
– Je ne vous ai pas dit le prix.
Peu importe le prix je vous le prends. »

En marketing ce procédé s’appelle le Storytelling, littéralement le fait de raconter une histoire. Pourquoi raconter une histoire pour vendre un stylo ? Ici le stylo n’est pas le sujet. Le but est de faire rêver le client en lui narrant ce que pourrai ressembler sa vie, le stylo n’est qu’un personnage secondaire. On sort du couple besoin/usage pour aller vers désir/plaisir, le client ne souhaite pas un stylo pour écrire son email mais il désir cette vie. On augmente le processus d’identification du client et on instaure une relation émotionnelle entre le client et le produit ou plutôt une marque. On induit discrètement les valeurs de la marque comme la longévité, la transmission et l’héritage. Le client se sentira comme un chevalier des temps modernes qui après une vie de bataille avec honneur et bravoure transmettrait son épée à son héritier.

Pour conclure je vous dirais que l’entreprise de cuisine m’a bien proposé le poste mais que j’ai refusé pour un autre job que je trouvais plus intéressant.